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LA LOCALE...Le blog d'une localière
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11 août 2005

Les auxiliaires de vie

f_te_de_village_nuit

Tout, plutôt que quitter son village...

J'ai fait aujourd'hui un article sur l'ouverture de la nouvelle permanence des aides à domicile, dans les locaux de l'ancienne poste. Il n'y a plus de poste dans ce village. Mais il y a de plus en plus de personnes âgées. Et donc, de plus en plus d'aides à domicile. Encore un sujet qui échappe pour l'instant à la grande presse, nationale ou pas. J'ai la grisante impression, et même la certitude, de voir naître, à la source, un futur "sujet de société".

J'ai vu s'ouvrir dans mon village, il y a quinze ans, la petite association qui gérait l'aide familiale en milieu rural. Cinq dames de la campagne, dont les enfants étaient grands, travaillaient quelques heures par-ci par- là pour soulager ponctuellement les familles nombreuses, les grabataires, les veuves isolées. La présidente (une bénévole catholique) faisait les dossiers et la compta chez elle. C'est toujours la même. Mais aujourd'hui, elle dirige (toujours bénévolement) une entreprise de vingt-cinq "auxiliaires de vie" salariées, sans compter les remplaçantes et les "volantes", un budget très important,  des kilos de formulaires, des textes réglementaires de haut vol.

Que s'est-il passé? La bascule démographique, déjà bien visible à la campagne. Et l'effondrement des structures familiales campagnardes. De plus en plus de seniors qui vivent seuls, de plus en plus d'Alzeimer, de plus en plus de soins palliatifs, de fins de vie assistées, de maintiens à domicile...Mais surtout, il y a l'APA. Allocation personnalisée autonomie. Beaucoup de retraités à petits revenus dans le coin y ont droit.

Du coup, le paysage de l'emploi a complètement changé. Cette association doit bien être le premier employeur du village depuis l'incendie de l'entreprise qui conditionnait des oeufs frais. Les petites jeunes filles ne se donnent plus la peine de faire un BTS secrétariat, qui ne les mènera à rien. Elle font un bac pro ou un BTS nouveau genre, "services à la personne". On y apprend la gériatrie, comment retourner un grabataire dans son lit pour lui éviter des escarres, comment manipuler un lit médicalisé.

Dans la pratique, elles font le ménage et la cuisine, les courses, vident les pots, vérifient s'il reste assez de couches pour l'incontinence et si le médecin a bien renouvelé l' ordonnance. Elles font aussi beaucoup de "lien social". Souvent, elles parlent très fort car  leurs employeurs sont très sourds.  Le matin de 7 à 8, elles font "le lever" d'une personne. Puis le ménage et la cuisine d'une autre. Puis d'une autre l'aprés-midi. Et les courageuses "font les nuits" des Alzeimers ou des grands handicappés.

Elles ne s'en plaignent pas, au contraire. Ce qui leur importe: rester au village. Elles détestent toutes la ville. Elles n'ont jamais connu l'entreprise, la vie de bureau. Elles aiment la variété de ce boulot,qui les conduit chez des retraités aisés des résidence secondaires. Murs de pierres apparentes, écran plasma...Puis chez une veuve d'agriculteur, où, parfois, les poules perchent dans la cuisine. Souvent, c'est leur premier emploi, juste après l'école. Un décès parmi leurs employeurs, c'est triste, mais elle ont eu une formation à ce sujet. C'est surtout grave pour leur feuille de paie.

Dans cette corporation moderne des auxilliaires de vie, j'ai vu des choses assez tristes durant l'été. Ces tout petit boulots, tissés à coup de deux ou trois heures de ménages, sont très convoités. Chaque été, des remplaçantes arrivent,  espérant être embauchées en septembre. Chaque année, elle sont déçues. Les jeunes filles du village ne lâchent pas le morceau. J'ai rencontré des mères de famille poussées au sud par le chômage, de Lorraine ou des Ardennes, qui attendaient les larmes aux yeux la fin du CDD. Etre auxilliaire de vie pouvait leur éviter l'enfer des ramassages de fruit ou de légumes, les patrons qui hurlent sur les gitans et les Marocains, leur malaise de piquer leur petit boulot à des lycéens qui ont l'âge de leurs enfants. La campagne n'est pas douce, bien au contraire, pour les réfugiés du chômage des villes.

Ce n'est que le début. Les lois Borloo vont encore accentuer l'importance des associations rurales dans le  "service à la personne". La présidente a fait l'acquisition d'un logiciel pour les fiches de paie. Elle a embauché une bac +2 en RH. Le maire a été contacté par des gens de la ville pour un projet de maison de retraite privée sur sa commune. Il est d'accord. La vieillesse, c'est une mine d'emplois.

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