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LA LOCALE...Le blog d'une localière

LA LOCALE...Le blog d'une localière
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7 janvier 2006

Au revoir

Voilà, c'est fini...Avec un souvenir de juillet, le plus beau des mois de l'année.

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15 septembre 2005

Mes confrères

Là, je risque gros. Je n'ai que le plus grand bien ou un peu de  mal à en dire. Rien au milieu.

Le plus grand bien: deux localiers au nord de mon secteur. Ils s'entraident et se filent des photos alors qu'ils travaillent pour des journaux concurrents. L'un est une citadine que la mutation de son mari à installé aux champs, mais traite sans aigreur son petit boulot de localière et ne dit jamais de mal à ses collègues des artistes locaux et des associations de village souvent croquignolettes qu'elle doit chroniquer. L'autre est un gendarme à la retraite, marié à une jeune femme asiatique, et père de trois beaux enfants métisses. Je l'ai particulièrement apprécié quand il a piqué une gueulante contre la désinformation pratiquée par son propre corps d'armée sur la violence dans les petits bals de village.

Le plus grand mal  Un concentré des défauts des locaux produit aussi des localiers double jeu, grande gueule, haine du ou de la "pas d'ici" (surtout de Paris). 

Je m'interroge sur l'étonnant correspondant local du troisième journal. Il n'a pas le permis de conduire. On le voit donc sur le bord des routes, se rendant à pied aux visites de presse et manifestations, ses longs cheveux blancs au vent, sac au dos. Très silencieux, très renfermé.  Un libertaire à la retraite? Pas vraiment le genre de son canard. J'ai eu l'occasion de le transporter en voiture et de bavarder un peu. J'ai découvert une autre façette du personnage. Il laboure le secteur depuis vingt ans et a appris à se murer totalement pour traverser les marécages politiques locaux sans se vendre trop. On ne sait pas s'il est chroniquement désespéré, ou ennemi du genre humain en général après cette expérience.

La maladie professionnelle du correspondant local de province est de tout savoir sur les gargouillis du marigot politique et ne rien pouvoir dire (ou écrire). Honneur à ceux qui en souffre.

4 septembre 2005

Allo ?

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A l'heure où France-Telecom arrache les cabines téléphoniques en province (tout le monde a un portable), j'ai rencontré cet antique téléphone public dans un village. La boite accrochée au mur de la poste contenait un téléphone, en cas d'urgence. Du genre: "Cassez la vitre en cas de besoin absolu". C'est bien qu'ils l'aient gardée.

3 septembre 2005

C'est la rentrée!

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Une correspondante locale ne peut pas se dispenser de la photo de  rentrée des classes, ce serait une faute professionnelle. Pour cette commune, la photo s'imposait d'autant plus que l'an prochain, les élèves intègreront un nouveau groupe scolaire, pur béton. Il n'y aura plus de "classe à double niveau", de WC au fond de la cour, de planchers qui grincent. Je suis d'autant plus motivée par mon devoir que j'ai effectué mon CP dans cette école! J'ai rusé pour que ma nièce soit au premier plan de la photo de groupe. Que vous ne verrez pas. Et que personne n'a vue, puisque, faute de place avec toutes ces rentrées scolaires dans tous les villages, elle a été sucrée.

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2 septembre 2005

Naître à la maison

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En été, pourquoi pas...                                           En hiver, c'est moins drôle

J'ai appris l'existence d'un réseau de sages-femmes qui font naître les bébés campagnards à la maison par un spécialiste du Marquis de Sade. Quel rapport? C'est comme ça, à la campagne

Le spécialiste de Sade tient une boutique de livres d'occasions dans la ville voisine. Très libertaire, mais néanmoins très érudit. J'étais passée le voir pour m'informer. Le marquis de Sade a-t-il vraiment séjourné dans la ville, ou pas? C'était important pour un article  sur la "semaine du Patrimoine". Il m'a assuré que oui. Voir page tant des lettres du marquis, dans l'édition de la Pléïade. Les brochures touristiques n'en font jamais mention. Sade n'est toujours pas réhabilité, par ici. De plus, ce que le marquis avait à dire de la région après son bref séjour n'était pas jojo. En gros: ça pue, c'est plein de moustiques, c'est un coin pourri, n'y venez jamais.

Sur un rayon de la boutique, j'ai découvert une importante collection d'ouvrages sur l'accouchement. Un peu étonnant, vu le bonhomme, Sade, tout ça. Il m'a informé qu'il servait de "relais d'information" à une association de sages-femmes et de futures mères qui accouchaient à la maison. J'ai téléphoné.

80 bébés sont nés à la maison en 2005 dans le département, principalement dans mes montagnes. C'est énorme. Évidemment, ce sont les écolos, les libertaires, les pas-comme-les-autres, qui adoptent cette démarche. Quand on peut supporter les nuits d'hivers là-haut et la bise dans une bergerie retapée, mal chauffée, on peut tout affronter. Mais les communautés babas des années 70 ont légué aux altermondialistes d'aujourd'hui un système bien rodé. La sage-femme s'occupe de l'accouchée le jour venu, après de fréquentes réunions d'information et de contrôle entre femmes. Elle appelle l'ambulance ou l'hélico du centre hospitalier si quelque chose cloche. Comme les petites maternités et les hôpitaux de campagne ferment les uns après les autres, les pouvoirs publics laissent faire. C'est ça, ou faire 100 bornes pour accoucher.

Pour le trentième anniversaire de l'association, les sages-femmes ont invité Frédéric L..., le chantre de l'accouchement naturel dans l'eau, qui va sur ses 90 ans. J'ai décliné l'invitation.  Tout savoir sur l'accouchement avec des cris de dauphins sur cassette, dans le noir, dans un baquet d'eau chaude, là-haut sur la montagne, c'est trop pour moi.

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1 septembre 2005

La machine à récolter les pompons

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J'ai appris à faire de l'actu avec trois fois rien. Cette machine agricole, par exemple. J'ai su par hasard qu'on n'en trouvait pas plus de quatre exemplaires dans toute la France. Eh bien, la photo a été publiée en pages "régionales" de mon journal, celles que lisent trois départements. Ce sont des départements agricoles, les nouvelles technologies des champs les intéressent.

Les agriculteurs de mon département travaillent souvent pour les "semenciers" (les producteurs de semences agricoles). Les cosses de graines de certains légumes (appelés "pompons") sont difficiles à récolter. A maturité, la cosse doit être cueillie sans retard, avant qu'elle ne sèche et s'ouvre. Il faut donc embaucher des dizaines de récolteurs sur une petite semaine pour ne rien perdre de la récolte. Jusqu'au jour où l'agriculteur sur la photo a entendu parler d'un collègue bricoleur, à l'autre bout de la France.

Celui-ci a inventé un prototype. Attachée à un tracteur, une faucheuse est capable de couper le pompon bien proprement, et très vite. Un petit tapis roulant expédie les pompons dans la benne du second tracteur à droite. Eh hop! Plus besoin d'embaucher de la main-d'oeuvre.

Notre semencier a traversé la France pour acheter le prototype. Il en est très content. Les jeunes du village, beaucoup moins. Ils ne peuvent plus compter sur ce petit boulot, juste avant la rentrée scolaire. Dans ce champ, la machine a fait une démonstration pour la presse avec des pompons de poireaux.

31 août 2005

Vente de petites oies démarrées?

C'est bien ce qui est écrit sur le panneau.

Traduction: voulez-vous gaver une oie chez vous?

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29 août 2005

Le monument aux fusillés

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Nous commençons les articles sur les commémorations de la Libération. Le sabotage du pont, le largage des parachutistes alliés, les derniers maquisards....Dans mon coin, je suis au regret de constater qu'il n'y a pas grand fait de résistance à commémorer. Paumé dans les combes,  il y a quand même un petit monument, très touchant dans sa solitude, dédié à dix fusillés de 44. Exécutés à cet endroit même, ils n'ont pas droit à beaucoup d'honneurs. Ils n'étaient pas forcément résistants non plus, et ont dû se trouver au mauvais endroit au mauvais moment, durant la retraite allemande. Deux corps, que personne n'a réclamé, sont toujours enterrés derrière le monument, sous les arbres.

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Et voilà ce que j'ai trouvé sur les trois marches qui mènent au monument. En hommage aux anonymes de la vie communale.

28 août 2005

Le concours de labours

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Labourages et pâturages, etc...

Les sociologues devraient s'y intéresser : plus il y a mécanisation des sillons et OGM, plus il y a de fêtes des labours. L’agriculture ne s’aime pas en ce moment. Il lui faut jouer à l’agriculture d’antan au moins trois fois par an pour tenir le coup.

Une fête des labours est une chose très organisée, et toujours égale à elle-même. Vous avez le champ réquisitionné pour faire parking, où vos petites voitures patinent dans la boue. A l’entrée, vous croisez un type que vous voyez souvent à la boulangerie, mais il a passé un costume traditionnel de laboureur: blouse bleue et chapeau à  rubans noirs. Il a gardé ses Nikes aux pieds.

*

En haie d’honneur, sur le chemin  qui conduit aux réjouissances, vous avez les voitures d’antan (tractions, Dauphines, Juvas), bien briquées. Je les ai déjà vues dans trois ou quatre fêtes du village. Les mêmes, exactement. Grâce à sa vieille berline, le proprio à son agenda rempli dès le mois de mai, et il voit du pays.  Ensuite, les seigneurs : les tracteurs de collection, des Magnus Fergusson, des John Deere années 50, amoureusement briqués, rouges, bien sûr. Des grappes de retraités stationnent autour. On ne sait pas ce qu’ils ont enduré, à l’époque, en crédit et en difficultés, pour en avoir un ou pas.

Dès le matin, il y a foule. Mine de rien, les fêtes des labours drainent tout un département à eux, sans difficultés. Vous avez les agriculteurs à la retraite, et c’est déjà beaucoup de monde. Toutes les familles avec enfants en bas âge du canton, qui viennent faire voir aux petits les chèvres et les poulets. Difficile d'en voir à la campagne. Ils ont tous émigré depuis longtemps dans les élevages industriels. Enfin, tout le comité d’organisation de la fête, c’est-à dire les trois quarts du village. Plus tout ceux qui ne savent pas quoi faire d’un dimanche de fin d’été au temps un peu incertain. C’est donc bondé.

Après les tracteurs, le bar . Heureusement, aujourd’hui, j'échappe au  plat local, les lambeaux de tripes de brebis roulés, avec un cure dent pour les attraper. Il faut être né sur place pour l’avaler. « Jus de vigne,1€ », propose le panonceau écrit à la main, au stabilo. Peut être n’ont-ils pas la licence IV pour vendre de l’alccol ?

A côté, une mère et son fils tressent des paniers d’osiers, l’air boudeur. On ne comprend pas bien, en les regardant, si ce sont des manouches embauchés par le comité des fêtes pour animer la fête, ou s’ils espèrent faire un peu d’argent en vendant leurs « créations ». Le petit panier d’osier à deux poignées, celui qui était sous tous les éviers de campagne pour les patates, est vendu au prix de 50€.

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Voilà le grand champs, le cœur de la fête, où se déroulent les concours de labours. Je croyais qu’il s’agissait de concours de labours au tracteur : à qui ferait le sillon le plus droit, les retombées de terre les plus harmonieuses sur chaque côté. Non. Il faut labourer un sillon avec une houe du 19e siècle, en un temps donné, sans de laisser dérouter par les chevaux mis à disposition, et en tenant le coup, car il faut des biceps pour arriver de l’autre côté. De différents carrés proviennent des cris (le cheval ne marche pas droit), des applaudissent (il a réussi), La famille et le chien marchent  à côté du concurrent.


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La paire de bœufs, magnifiques, attire tous les visiteurs. Ils sont beaux, vraiment beaux. On les admire, mais personne n’ose vraiment faire une raie de labour avec ces deux monstres presque préhistoriques devant la charue. Leur propriétaire est déguisé en maquignon. En fait, il n’est pas du coin, mais d'un département voisin. Ses deux bœufs , ils les a achetés par amour de la race sélectionnée, pour jouer, pour son plaisir. Ils n’ont jamais rien labouré de leur vie. Ils servent à rappeler au papet la beauté de la campagne de son propre grand-père, quelques vagues souvenirs d’enfance. L’été, il « fait » les fêtes de labour, où ses bœufs ont toujours un grand succès. Il les transporte dans un grand camion. On ne saura pas combien est rémunérée leur prestation, transport compris.

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Labourer avec eux est toute une affaire. Le maquignon et son aide font une démonstration. Il faut claquer de la langue, faire des hue, ho, agiter la badine devant leur yeux. Quand ils consentent à s’ébranler, on entend des bruits de tuyaux d’orgues : ce sont les pachydermes qui soufflent. Et quand ils font demi-tour au bout du champ, empêtrés dans leur joug, c’est une manœuvre de convoi exceptionnel, avec trois hommes à la manœuvre et un à la coordination. Mais on a un petit frisson quand il passe tout près de vous, quand leur souffle effleure vos pieds. 

Motivés, quelques corbeaux se ramènent pour suivre la trace laissée par les charrues dans le champs. Eux aussi doivent avoir des souvenirs d’enfance, ou alors leur grand-père leur a raconté la campagne d’antan. A moins qu’un éleveur de corbeaux apprivoisés ne soit rémunéré par le comité d’organisation pour décorer la fête, là aussi. En tout cas, avec un peu de recul, ça fait bien : les bœufs, le maquignon qui les guide, les corbeaux, un ciel bleu délavé. La photo pour le journal sera bonne.

Et la désinformation va perdurer. On va croire que la campagne, c’est encore comme ça : cieux délavés mais purs, corbeaux croassant, gentils bœufs fumant de sueur,  beiges sur le brun des sillons. J’ai évité d’avoir dans le cadre de la photo la Twingo qui dépasse du parking, et les familles contemporaines en jogging.

A côté du carré où les bœufs d’apparat attendent les apprentis laboureurs, se trouve un enclos interdit : des carrés inégaux et numérotés ont été peints en blanc sur la terre. Est-ce qu’ils vont servir à des concours de mini-labours avec une chèvre apprivoisée, pour les enfants ? Le maître des bœufs m’explique. «  Cette après-midi, il va y avoir une loterie. On mettra les bœufs dans cet enclos, et celui qui aura deviné le numéro des carrés où ils vont chier aura gagné ».

- Pardon ?

- Me regardez pas comme ça, c’est pas moi qui ait eu l’idée. Il me l’ont dit hier soir, au téléphone….

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27 août 2005

Vestiges laïcs

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Au-dessus du fronton, des signes kabbalistiques. Maçonniques?

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L'école des garçons. La porte des filles est à gauche.

26 août 2005

La station d'épuration ( suite et fin )

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Vous vous souvenez de la station d'épuration? (voir archives début juillet "La station d'épuration") Aujourd'hui, il y a conseil municipal de rentrée dans cette commune. On va connaître l'épilogue. J'ai appelé les opposants. Ils ne peuvent pas assister à ce conseil, ils ont quelque chose d'autre à faire. C'est mal parti pour eux.

La maire n'est pas trop contente de me voir arriver. Je suis la seule correspondante présente et je lui casse le côté "entre nous" qu'elle aime bien. Bien sûr, la station d'épuration est à l'ordre du jour. L'institutrice du village, conseillère municipale, tente timidement de faire entendre la voix de l'opposition. Cette station, puisqu'on ne peut plus s'y opposer, sera-t-elle vraiment aussi sûre, aussi propre, qu'on le dit? Bien sûr que oui, voyons.

Ensuite, les choses intéressantes ont commencé. Vous en souvient-il? La station d'épuration sert à rendre constructible une zone inconstructible. Au fil des délibérés, j'en apprends de belles. Un propriétaire a monayé son aval au projet contre un permis de construire pour transformer une grange en maison (interdit en zone agricole). Le terrain où va être construite la station a été préempté après des tractations incroyables et fort chères avec des héritiers tous brouillés entre eux.

Cette station revient une fortune au contribuable, pour desservir en tout...cinq maisons. Un des élus ne se prive pas de le dire à la maire, avec une courtoisie vipérine. Mais il vote quand même pour. Alors, pour faire des économies, on décide de commander un sable filtrant moins cher, bas de gamme, pour filtrer les saletés de la station. Pauvres écologistes riverains. Leurs étés seront torrides et puants, et le ruisseau, pas joli.

Il me reste de ce conseil le souvenir de la dispute soudaine et feutrée qui a éclatée entre deux élus, portant le même nom. Je n'ai rien compris à leurs allusions sur les permis de construires rendus valides par la station: il me manquait trop d'éléments. J'ai senti, comme tout le monde, une haine folle et rampante, comme seuls les villages de deux cents habitants peuvent en mijoter. La station d'épuration n'est pas qu'un équipement communal. Autour d'elle se jouent à huit-clos de multiples pièces à un seul thème: l'argent.

25 août 2005

L'ouverture du point-poste

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Mon village n'a plus de poste. Comme l'Etat n'a plus de sous, les services publics se font la malle. On le sent très fort à la campagne: trains, bus, postes, perceptions, Crédit Agricole, gendarmeries disparaissent un à un. Il y a bien sûr eu des protestations, mais pas plus que ça. La mairie et les services de la poste ont proposé en remplacement un "point-poste", dans la supérette du village. Il va ouvrir dans quelques jours.

Je passe voir le gérant de la supérette. Ce jour-là, lui et ses caissières ont reçu du receveur principal une formation de deux heures aux tarifs postaux, recommandés, etc. On pourra retirer des colis, et même un peu d'argent, avec un chèque CCP. Un point-poste roulant, avec le logo jaune de la poste, a été livré. Il me fait penser au coffret-jeu de postière, avec tampons et timbres, que j'avais reçu à Noel. J'adorais ce jeu.

Je demande combien le magasin va être remunéré pour offrir ce service supplémentaire. A ma grande surprise, il me le dit. Une misère : 250 € par mois. J'espère sincèrement que les caissières vont en avoir une part sur leur fiche de paie car leurs journées risquent d'être très remplies, à cumuler plusieurs fonctions. Elles ne s'inquiètent pas de ce détail. Ils sont transparents par ici, et peu revendicatifs. La terreur du chômage est telle que tout, absolument tout, passe.

Le gérant souligne que, grâce à eux,  le service postal sera assuré soixante-dix heures par semaine, dimanche matin compris, pendant toutes les plages d'ouverture de la supérette. La Poste n'a jamais offert ça. Et vive le libéralisme.

24 août 2005

Haute sur pattes

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La photo est un peu floue, mais voyez-vous l'araignée au corps jaune électrique à droite, en haut? Pattes à ressorts comprises, elle est grande comme ma main. Au cours de mes tournées de localières (5 000 km en deux mois d'été), j'ai croisé des animaux vraiment trop exotiques. Cette araignée, et un lézard vert électrique (lui aussi) à pois jaune (électrique), haut sur pattes (également), au bord d'une rivière française. Les particuliers feraient-ils des lâchers sauvages quand leur terrarium déborde?

23 août 2005

Nos cailloux

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Les cailloux de notre rivière sont extrêmement beaux. Tous différents, tous ultra-lisses. Blancs ou beiges au soleil. Gris quand le soleil se couche. Ici, on se baigne toujours avec des sandales de plastique transparent, pour moins souffrir en se trainant jusqu'au trou d'eau. Les galets servent de cendriers, d'appuis-tête, de cale-porte, et à faire des murs.

Une communauté de communes de mon secteur, très progressiste, a mis sur pied un petit festival faune-flore-histoire de la rivière. Des artistes sont invités en résidence. Leurs oeuvres seront exposées dans le lit (presque à sec) de la rivière. Ils ont aussi invité un érudit à donner une conférence sur l'histoire de ces galets, dans un café-concert intello qui sert de refuge aux gauchistes, tout près des voies du TGV.

L'érudit est un professeur de géologie d'une très prestigieuse université anglaise. Il vit à mi-temps entre l'université anglaise et  une résidence secondaire qu'il possède depuis une vingtaine d'années dans le coin. C'est étonnant, le nombre de gens intéressants qui sortent des murs et bois depuis que je fais correspondante. Où se cachent-ils, le reste du temps? Très professionnel, il a amené son laptop et  un projecteur pour appuyer son exposé sur un support power-point.

J'apprends que nos vulgaires galets ont pris leurs veinures (micro-organismes calcifiés) à  l'époque de la mer Miocène, quand la région était recouverte d'une mer tropicale pullulant de bêtes (nombreux fossiles). Que les galets mettent un siècle à descendre la rivière de sa source à son embouchure. Qu'un événement très brutal (ouragan? Méga-innondation?) s'est produit juste dans mon secteur, il y a quelques millions d'annéesL Les fossiles qui dormaient sous la butte de la tour médievale ont été projetés à des kilomètres à la ronde. Et bien d'autres choses.

Il nous a conseillé de bien regarder les bas-flancs du nouveau rond-point, creusé dans le coteau. Les couches superposées y racontent l'histoire géologique du canton. Quand un camion de poulets me bloque le passage au rond-point, je contemple les bas-flancs.

22 août 2005

Qui veut adopter un vieux cheval?

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La jument aveugle

A la limite de mon territoire - on peut même dire carrément sur les plate-bandes de Georgette, la correspondante du secteur limitrophe - se trouve une grande pancarte. « Pension et retraite pour chevaux ».  Retraite pour chevaux ? Retraite comme maison de retraite pour vieux chevaux ? Je l’avais vue en émergeant des bois au volant de ma petite voiture, après ma visite au chantier de la retenue d’eau agricole - un reportage qui ne s’oublie pas (voir 8 juillet). J’avais vu des chevaux, à l’age indéfini, méditant dans de grands prés en bordure de la nationale. J’avais pensé qu’en temps de disette de nouvelles, cela ferait un sujet pour le journal.

Par un jour de pluie à la fin d’août, ce temps de la disette arrive. Pas de bal, pas de conseils municipaux, pas de foires à la brocante, pas de litiges de voisinage. J’appelle donc la pension chevaline. Une voix bourrue au téléphone. C’est le propriétaire de la maison de retraite. Oui, ils sont vieux. Oui, c’est comme une maison de retraite pour humains. Et à ce propos, ça tombe bien que je l’appelle, il a des soucis avec la mairie. Rencontrons-nous. Un beau litige, ça tombe très bien.

C’est l’un de ces dimanche après-midi gris et pleuvotant, une bouffée d’automne en plein été, triste comme une rangée de peupliers sur un ciel couvert.  En voyant Frédéric, on ne comprend pas tout de suite : mécanicien à temps plein dans la vie active, que fait-il avec vingt-cinq vieux chevaux dans ses prés ? En plus,  il n’a pas de bottes d’équitation, il fume, on le classerait plutôt, à vue d’œil , dans le milieu de la moto ou le tuning. C’est une longue histoire.

Frédéric, son ex-femme, et leurs enfants, aimaient les chevaux et avaient envie de  faire « quelque chose » avec eux, mais quoi ? Ils vivaient sur un beau morceau de terrain, sous les bois de La Beaume. Ça, c’est un des luxes dont les gens d’ici sont totalement inconscients. Parce qu’il y a du foncier, des hectares, on peut un jour s’inventer une double vie, faire des choses qui cassent le train-train.  Un jour, ils voient à la télé un film avec Fernandel, Heureux comme Ulysse, qui, justement, raconte le combat d’un homme pour sauver un bon vieux cheval promis à l’abattoir. C’est le début de l’aventure : Frédéric ouvre sa maison de retraite pour chevaux et une association  parrainnée par Jean Rochefort. Il a accordé son parrainage mais n’a encore jamais mis les pieds dans le département.

La maison de retraite n’a pas tardé à être prise d’assaut. A la campagne, on met les vieux canassons au pré. C’est un pacte mutuel qui ne se discute pas. En ville, c’est une autre histoire. Quand le beau bai commence à s’essouffler dans les côtes ou à boiter, les propriétaires de chevaux tombent de haut. Quand le directeur du manège  soupire qu’il va falloir trouver une solution, ils n’en trouvent pas. Les rares centres « hypo-gériatriques » agréés par le ministère de l’agriculture sont pleins et hors de prix. L’abattoir est proposé pour régler le problème. On comprend bien que ce ne soit vraiment pas possible.


Debout sous un auvent, en attendant que la pluie s’arrête, Frédéric dit que, souvent, ce sont les vétérinaires qui coupent court en racontant une fable au propriétaire angoissé. Je connais quelqu’un de bien qui le gardera dans son pré pour rien, ne vous en faites pas, signez ici. Ce sont eux qui appellent l’équarrisseur, pour que tout le monde puisse dormir tranquille.

L’autre solution pour les maîtres fidèles au cœur tendre, c’est la  province. Les pensions sont moins chères. Alors, la pension a bien vite été remplie, par le seul bouche à oreille. Frédéric a eu jusqu’à 35 chevaux. Et c’est beaucoup trop, il ne le fera plus. Il s’en occupe seul, avant son travail, c’est-à dire à 6 heures du matin, et après, à la nuit tombée. Il héberge un retraité du Cadre Noir de Saumur, un ex- champion de saut d’obstacles, un ex-trotteur des champs de course, et  puis le tout venant : des malades, un cheval borgne, à l’œil crevé par une branche, des asthmatiques, des arthritiques, un  clown caractériel, une petite troupe cabossée. Et même un cheval à sabot orthopédique. Ça existe.

Frédéric et sa nouvelle compagne me font visiter. Elle est mince et sauvage, fume des cigarettes roulées à la main. Une pré-ado traine dans les parages : la fille de Frédéric. Elle est folle de chevaux, et a choisi de vivre avec son père après le divorce. Les garçons, plus petits, sont avec leur mère.  La tribu de chevaux éclopés nous regardent en silence. Frédéric dit  que c’est peut être à cause d’eux que tout s’est mal terminé, mais peut-être pas.

On visite. C’est une vieille maison dont les dépendances ont été reconverties en énormes boxes. Ni ferme, ni manège, ni maison de campagne. Un paradis du bricoleur avec des  pots de fleurs à la fenêtre des boxes. Les chevaux sont aux champs, derrière la maison, sauf quatre ou cinq qui restent dans le pré clôturé, à portée de vue. C’est bizarre, il y a des rangées de vieux pneus couchés le long des clôtures. Ces pneus sont pour Neige, une jument grise. Qu’est ce qu’elle a ? Neige a 18 ans et elle est aveugle. Une maladie des yeux.  Les pneus lui permettent de repérer le parcours jusqu’à l’étable, de  savoir qu’elle s’approche des clôtures pour ne pas s’éraffler sur les barbelés.  Frédéric va chercher quelque chose sous un hangar. Il revient avec une cagoule bleue, qu’il lui passe sur la tète. Neige à l’air d’une condamnée à mort prête pour l’abattoir. Non, c’est juste pour protéger ses yeux des mouches et des insectes. Elle n’a plus de sensation aux yeux et aux paupières, elle ne les chasse pas. Les bêtes lui filent des maladies. Neige a son petit caractère, on la comprend avec son infirmité, mais elle aime toujours se promener. Frédéric l’a emmenée sur les sentiers de montagne derrière la maison. Il parle de la confiance absolue qu’elle lui accorde quand il la guide sur les rochers.
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Que n’ont ils pas fait pour l’aveugle? A cause de sa cécité, Neige ne sait plus reconnaître le jour de la nuit. Dans les box, elles embêtaient les autres pensionnaires en bougeant et en hennissant toute la nuit. Alors, ils lui ont mis une radio. Quand la radio marche, c’est le jour, on peut s’agiter. Quand la radio est éteinte, c’est la nuit, il faut faire dodo, ne pas faire de bruit. Il paraît que ça marche. « Quelquefois, on délire. On se dit qu’on devrait leur mettre la télé dans les box, l’hiver, pour qu’ils puissent regarder Les feux de l’amour, comme les petits vieux ».


La vieillesse des chevaux est imperceptible et élégante : toujours droits, toujours dignes. En juin dernier, la pension a perdu sa doyenne, Dixie, morte de sa belle mort dans son sommeil. Trente huit ans ! Un cheval moyen ne vit guère au-delà de vingt ans. Ils n’ont pas pensé à appeler le livre Guinness des records.  La Jeanne Calmant de l’écurie avait un pote, un petit jeune de dix-huit ans.  « Elle était maigre et marchait à tout petits pas, comme une mamie. Elle avait un sale caractère. Mais lui la suivait partout. Les derniers jours, on a senti qu’elle partait. On s’est demandé comment Billy allait réagir. Pendant un ou deux jour, il a flotté, du genre, où elle est passée, la vieille ? Et puis il a repris sa vie ».


Une chose est sûre, Frédéric ne prendra plus jamais en pension des étalons. Vieux ou pas, ils portent la poisse. L’un d'eux est isolé dans un enclos. Après ce qui s’est passé cet été, il y a peu de chance qu’il aille se promener sur la montagne, celui-là. La pension compte deux étalons.  Tous deux blancs, tous deux maigres, tous deux vieux. Mais l’âge ne fait rien à l’instinct. Cet été, une clôture défectueuse a permis aux deux étalons de se mesurer pour le territoire et la horde. Ce fut un carnage. Ils se sont lacérés à coup de dents et de sabots, fracturés des côtes, arraché les lèvres. Un incident effrayant, dit Frédéric. Il ne sait plus comment il a réussi à les séparer, mais ils se seraient battus  jusqu’à la mort sans problèmes. Le vétérinaire, appelé en urgence, a eu du boulot. Heureusement qu’avec le temps, la pension a trouvé aux alentours une vétérinaire qui a bien voulu se former sur le tas à la gériatrie équine. C’est rare.

Séparés et recousus, les deux étalons ont été mis aux arrêts, chacun de son côté. Les rentrer à l’étable le soir est toujours un moment délicat. Frédéric a un truc : la carotte sortie de la poche quand les deux étalons passent à proximité l’un de l’autre, dans le couloir des boxes. Entre  un harem et une carotte, les vieux étalons choisissent sans hésiter la carotte. Mais entre la carotte et la castagne, souvent, ils préfèrent la castagne.

Il pleut sérieusement maintenant. On ne peut pas aller voir les vingt autres chevaux, dans les prés alentour. L’été, ils restent aux champs, l’hiver, Frédéric et sa fille les rentrent à l’écurie tous les soirs.

C’est juste cette solitude un peu poisseuse qui inquiète Frédéric. Pour la combler, il songe à des parrainages. Contre quelques heures de travail, la possibilité d’adopter un vieux cheval. On ne peut pas les monter, à leur âge, juste s’en occuper. La fille de Frédéric n’est pas d’accord. Elle pense que les chevaux se fichent des humains, qu’ils vont mieux sans. Frédéric dit qu’au contraire, ils sont intéressés par l’homme, qu’ils ont besoin de contacts, ou du moins, de ne pas perdre l’habitude de les fréquenter. Il rêve de parrains dévoués et bénévoles qui viendraient le dimanche pour les promener en file indienne sur les sentiers de montagne.

A l’intérieur de la maison, on s’asseoit . Quelques plantes vertes agonisantes, des baffles de stéréo enveloppées. Le déménagement se prépare. C’est une maison peu confortable, juste un lieu pour manger et dormir. Cette famille-là n’est pas cosy.  Avec le divorce, Frédéric est obligé de vendre la maison pour partager les biens du ménage avec son ex-épouse. Il garde les terrains tout autour, pour les chevaux. Mais il est en plein imbroglio administratif. Il n’est pas possible de construire un logement sur cette zone agricole. A moins qu’elle n’ait un rapport avec l’agriculture. Et dans ce département, les maisons de retraites pour vieux chevaux ne sont pas considérées comme activité agricole. Donc, pas de maison, et l’obligation de libérer les lieux pour les nouveaux propriétaires dans un mois. Que faire ?

Toujours pragmatique, Frédéric a acheté deux mobil-homes : un pour lui et sa compagne, un pour sa fille. Mais la mairie interdit les mobil-homes à l’année. Elle est déjà en procès avec quelques occupants de "véhicule léger d’habitation" pour séjour temporaire très prolongé. Elle n’a pas envie de recommencer.  Le plan de bataille est prêt : le 30 septembre, ils s’installeront dans les mobil-homes, avec ou sans électricité, avec ou sans eau. C’est vrai qu’il est impossible de laisser les chevaux seuls et d’aller habiter en ville ou ailleurs. La nuit, tout peut arriver, Surtout depuis l’histoire des étalons. Ce n’est pas seulement une histoire de cœur. Les propriétaires des chevaux paient une pension chaque mois (la plupart, certains oublient, d’autres ne peuvent plus…). Ils auraient de quoi se plaindre.  Rendre les  chevaux, fermer boutique, c’était les envoyer à l’abattoir. Qui va récupérer un cheval asthmatique et boiteux à Grenoble Centre Ville ? Ce sera donc la vie en mobil-home, avec une ado, tant que la nouvelle maison ne sera pas construite. Vivre à la bougie, dormir dans le brouillard avec juste les chevaux qui renâclent autour du mobil-home,  ne leur fait pas peur.

Pour le litige avec la mairie, Frédéric préfèrerait attendre. Mettre la presse sur le coup, même un tout petit journal, ça ne se fait qu’en dernière extrémité ici. Tout le monde se connaît, j’ai parlé à mon cousin et au président de la communauté de communes d’à côté, etc. Comme d’habitude. Mais comme il y a disette de nouvelles locales, je propose un article sur le parrainage des vieux chevaux. 20€ l’adhésion de parrainage : je ne suis pas complice d’une escroquerie. Nous tombons d’accord.

L’article est paru, les chevaux borgnes, aveugles, boiteux, asthmatiques, arthritiques ont eu leur encadré, avec une photo de Frédéric qui avait l’air particulièrement désespéré aux cotés de la jument aveugle encagoulée. Avec ça, j’attendais pour eux un raz de marée de coups de fils. Pas du tout. Frédéric m’a dit avoir reçu un coup de fil d’une dame émue, c’est tout. Comme ailleurs, les vieux ne font pas recette. Frédéric est dans son mobil home, EDF leur a branché un raccord. Pour l’heure, la mairie n’a rien dit.

20 août 2005

Ensemble contre la torture !

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"Non, nous ne voulons pas être irradiés!", dit la bannière orange. "Ensemble contre la torture!" dit le panneau dans la vitrine. Que se passe-t-il? Les anti-nucléaires se sont réveillés? Non, c'est le club des opposants à la nouvelle antenne pour les téléphones mobiles. Comme à la ville....Ils ont trouvés refuge dans un local mis à la disposition des associations  (qui s'occupe de la  torture, entre autre). Je ne m'en suis pas mêlée, alors que c'est un bon sujet, car dans cette ville, certains altermondialistes sont du genre rugueux. Ils m'ont arrêtée dans la rue en m'accusant de ne pas publier les tribunes et lettres ouvertes dont ils inondent tous les médias locaux, et dont je n'ai pas vu la première ligne. Je ne suis que la localière.

19 août 2005

Le tour du département avec le Conseil Général

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En ballade sur la départementale

J'ai été "convoquée" - on dit comme ça ici - à un petit-déjeuner de presse par le Conseil Général, qui dresse un premier bilan de la saison touristique. Le lieu du rendez-vous est un hôtel-restaurant. A mon avis, entre photos et discours, j'en ai pour une heure à tout casser. Le tourisme, c'est important. Mon secteur les traitent très mal mais tient beaucoup à leur taxe de séjour.

Finalement, j'en ai eu pour la journée. Personne ne m'avait prévenue qu'il s'agissait d'un grand tour du département "à la rencontre des professionnels du tourisme"  mené par le Président du Conseil Général himself et son staff rapproché. C'était génial. J'ai découvert la politique aux champs et de fort beaux coins, moi qui suis presque née ici.

Le petit-déjeuner de presse se tient dans le jardin d'un l'hôtel. Le Président du département me surprend. Il est cool, en chemisette et Ray-Bans, bronzé, très brun, un peu cacou. Rien à voir avec les agriculteurs montés en graine politique, ou les notables, qui faisaient la vie politique locale. Il a sans doute fait Sciences Po.  Son staff est composé de présidents locaux et ruraux de ceci et de cela (ils sont d'ici) et de fonctionnaires des collectivités, mutés dans ce département depuis la Bretagne ou l'Ile-de-France. Un peu goguenards, ceux-là.

Rien à signaler sur cette étape, consacrée au bilan de  l'hotellerie. L'hôtelier, pingre, nous offre un mauvais café avec un sucre (1) et c'est tout. La gastronomie n'est pas le fort du département, pas plus que le service ou la courtoisie. D'ailleurs, l'hotellerie est en crise, nous annonce-t-il.

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Bienvenue au gîte

Après, ça devient bien. Nous aterrissons dans un gîte magnifique, retapé façon Marie-claire Déco par un ex-ingénieur informaticien. A mon avis, il a touché de grosses indemnités et a "changé de vie". Mais il n'a pas pu s'empêcher de devenir Président des gîtes locaux. Ici, nous parlons du tourisme en gîtes, qui se porte très bien. Il se porterait encore mieux si la commune avait l'internet haut-débit, fait remarquer le maire de la commune, le seul à porter une cravate pour l'occasion. L'internet haut-débit, c'est la complainte de l'année.... Il arrive quand? Pour le tourisme, c'est vital. La clientèle d'aujourd'hui réserve au dernier moment, par internet.

J'apprends par un autre localier qu'il existe des gites encore plus luxueux sur mon secteur. Ils accueillent des stars pendant le Festival et organisent des week-ends à thème (truffes ou écriture de scénarii). Pourquoi j'ignorais tout ça? Les locaux et les "gens d'ailleurs" sont comme l'eau et l'huile, ils ne se mélangent jamais. Visiblement, je suis classée comme "locale". Heureusement, le propriétaire du gite me court après alors que je monte en voiture et me demande ma carte pour m'envoyer de futures invitations. Je suis repêchée du purgatoire des locaux, youpi !

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Les élus au resto (on voit rien, c'est tout noir, c'est fait exprès)

Chemin faisant, il est midi. Une table a été réservée dans un restaurant au bord d'une petite rivière, tout au sud du département, pour déjeuner avec les élus de ce canton. Extrêmement instructif. Assise en face du Président, je vois peu à peu plein de choses émerger de son numéro de déconneur méridionnal . Son oeil critique sur le service du restaurant (épouvantable), sa réflexion érudite sur le festival de jazz qui vient de s'achever, son apparté avec la conseillère du patrimoine. Il est sur le coup. Pourquoi avoir choisi ce restaurant ? Il n'est pas bon, le service est terrible, mais sa propriétaire est en chimiothérapie pour une tumeur. Il fallait faire quelque chose. Le dessert qu'elle nous a destiné sort directement du congélateur. La coupe en verre explose dans les mains du Président. "ça arrive tout le temps", dit-elle, philosophe.

A ma gauche, le directeur départemental du tourisme. Il me parle de la difficulté de "vendre" un département dont personne ne sait où il se situe. Une campagne de pub au Danemark a plus fait pour la fréquentation que tous les voyages de presse de journalistes parisiens. Nous nous découvrons une relation commune à Paris. Aussitôt, il rentre dans sa coquille.  Il a compris que je n'étais pas une localière du crû. Il se méfie.

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Le camping quatre étoiles

Et ça continue. J'adore rouler fenêtres ouvertes derrière la caravanne politique, me laissant guider dans mon propre département. Je vais découvrir un parc naturel  avec équipements pour colonies de vacances (le tourisme, c'est aussi les colos), avant de faire une longue halte dans une des locomotives du tourisme local: le camping quatre étoiles.

La piscine est bleu dur, la musique disco hurle dans les haut-parleurs, des enfants hollandais courrent dans  le restaurant en maillot de bain, les pieds mouillés. Les gens aiment ça. Les campings sont les tout-premiers hébergeurs de touristes.  Donc, le Conseil Général les soigne. Des subventions ont été versées pour les équiper du nouveau produit que la clientèle exige: les mobil-homes. Allons visiter.

Là, ça devient surréaliste. Je prend de l'avance sur le chemin poudreux qui conduit à l'enclos des mobil-homes pour faire une photo de groupe du Président et de sa troupe tandis qu'ils gravissent la colline. En contre-jour, sur fond de montagnes, il semble mèner ses disciples, tous en lunettes de soleil, vers l'avenir touristique. Avec le photographe du journal du sud du département, on se marre. Pour illustrer "Les politiques aux champs", c'est parfait.

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La visite officielle du mobil-home

Les mobil-homes sont affreux. Posés sur une pente caillouteuse, sous de maigres arbres, on y entend encore la musique de la piscine. Nous nous tassons dans un mobil-home vide de 15 m2 pour "visiter". Le président s'informe des prix. C'est très cher. 500 € la semaine en haute-saison. Il annonce, comme si de rien n'était, qu'il n'y aura plus de subventions pour les "structures légères d'habitation".Ah...Lui aussi, il déteste le mobil-home du fond de son âme? La priorité, désormais, c'est la formation et l'informatisation des offices de tourisme.

J'ai fait un article à ma manière, en décrivant la caravane et son itinéraire. Ca a surpris. Les localiers n'étaient supposés "que" répercuter les chiffres de la saison communiqués par les politiques. Je ne suis pas sûre qu'ils soient très fiables.

18 août 2005

Clochemerle

panorama_recadr_

J'ai appris en causant avec un président d'association une petite histoire de politique rurale. Celles que les gens de la ville adorent.

Tout au bout du département, sur un plateau dépeuplé, vivaient trois communes ennemies. Pour situer leur niveau d'isolement: quand le tunnel de la route de la vallée s'est effondré, les habitants ont du faire un détour de presque cinquante kilomètres pendant un an, par une autre route, pour faire les courses.

L'une de ces communes est ultra catholique. L'autre, ultra protestante. Et la dernière, ultra communiste. Les clochers se haïssent depuis quelques siècles. Chacune compte aujourd'hui une vingtaine d'habitants en hiver. Voici quelques années, un préfet leur a ordonné de se fondre en une seule commune. Il en avait assez de contresigner des décisions municipales où tous les conseillers portaient le même nom de famille. Le père, le frère, la cousine...

Ce fut une belle bagarre. Surtout pour choisir le nom qu'allait porter la nouvelle commune tripartite. Pour en sortir, le préfet a tranché: il a pris le nom du torrent qui traversait le canton et a ajouté Val devant. Comme ça, plus de contestations. Vous croyez que tout s'est arrangé avec le temps? Surtout pas. La commune de Val Machin est ingérable. Les recours, les cassations, les demandes d'arbitrages pleuvent entre membres du nouveau conseil municipal, pas du tout unifié. Le préfet est obligé de gérer la commune par arrêtés et décisions préfectorales depuis le chef-lieu.

17 août 2005

Festival pointu

concert_accousmatique

Il a fallu que je devienne localière à la campagne pour découvrir l'art accousmatique (musiques sur support informatique). Les propriétaires de résidences secondaires - du temps où elles n'étaient pas chères- ont beaucoup fait pour la vie culturelle locale. Le fondateur de ce festival accousmatique est un de ces spécimens. Depuis vingt ans, il organise trois jours d'art accousmatique en été. Un concert accousmatique consiste à écouter, dans le noir, des compositions sonores moitié sérielles, moitié techno, sur une forêt de haut-parleurs (quarante), que l'on appelle un accousmonium. L'exécutant dirige depuis son  l'ordinateur. Des initiés se sont déplacé de Charentes, de Londres, et du Japon pour assister au festival. Les locaux sont restés soigneusement chez eux. L'article est paru dans le journal sous le titre "Savez-vous jouer de l'accousmonium?". Autour des salades, ce sera tout à fait baroque.

16 août 2005

La foire aux chiens

foire_aux_chiens

A mon avis, la foire aux chiens est une très vieille fête. Un siècle au moins. Les paysans des environs avaient dû inventer un rendez-vous informel dans un village commode, à la croisée des routes, pour échanger des chiots ou se débarrasser des portées de l'été avant l'ouverture de la chasse. ça a bien changé.

A la foire aux chiens du 16 août, on  trouve aujourd'hui des chiots à pedigree, très chers (jusqu'à 600€), très rares. Des chiens japonais muets, des bouledogues argentins blanc porcelaine qui ne supporteront pas le soleil d'ici. Comme ils sont difficiles à caser, à ce prix, un éleveur de "Bruno du Jura" est même monté d'Avignon pour proposer les mâles de la dernière portée. Les mâles, ça part moins bien.

bouledogues_argentins Bouledogues argentins

bruno_du_jura Bruno du Jura

Les seuls bâtards bien de chez nous sont proposés par des routards, des vrais, ceux qui traînent un chien au bout d'une ficelle. Ils  voudraient bien se débarrasser des petits de leur chienne, parce que taper la route avec six chiens en file indienne, ce n'est pas possible. Personnes ne s'approche d'eux

routards

Un stand de chiens-guides d'aveugles s'est installé sous les arbres. Toutes les heures, un Labrador dressé fait une démonstration. L'animatrice de l'association, montée de Marseille, distribue des prospectus invitant les visiteurs à faire des dons déductibles des impôts pour financer l'éducation de nouveaux guides d'handicappés.

Une fois de plus, je me dis que la campagne a changé. Autour des chiots, on ne parle plus chasse, guet, affûts, gardiennage des moutons, mais contraception, vétérinaire, amour des enfants. Le chien rural d'aujourd'hui doit bien garder le pavillon, ne pas mordre les enfants, ne pas faire de petits, ne pas aboyer toute la journée quand on l'enferme  à la maison, sinon, il y aura des procès. La civilisation de la banlieue a tellement pollué la campagne qu'on n'y voit plus de chiens de promener, sauf en laisse. S'il engrossait la chienne du voisin ou démolissait une plate-bande? On ne sait jamais, surtout pas d'ennuis. Dans mon compte-rendu pour le journal, j'ai simplement noté que les chiens étaient très chers.

L'embêtant, quand on est assez vieille pour se souvenir de la campagne années 60, est de se dire qu'on n'aimerait pas revenir vieillir ici. Mais alors, où?

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LA LOCALE...Le blog d'une localière
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