La foire aux chiens
A mon avis, la foire aux chiens est une très vieille fête. Un siècle au moins. Les paysans des environs avaient dû inventer un rendez-vous informel dans un village commode, à la croisée des routes, pour échanger des chiots ou se débarrasser des portées de l'été avant l'ouverture de la chasse. ça a bien changé.
A la foire aux chiens du 16 août, on trouve aujourd'hui des chiots à pedigree, très chers (jusqu'à 600€), très rares. Des chiens japonais muets, des bouledogues argentins blanc porcelaine qui ne supporteront pas le soleil d'ici. Comme ils sont difficiles à caser, à ce prix, un éleveur de "Bruno du Jura" est même monté d'Avignon pour proposer les mâles de la dernière portée. Les mâles, ça part moins bien.
Les seuls bâtards bien de chez nous sont proposés par des routards, des vrais, ceux qui traînent un chien au bout d'une ficelle. Ils voudraient bien se débarrasser des petits de leur chienne, parce que taper la route avec six chiens en file indienne, ce n'est pas possible. Personnes ne s'approche d'eux
Un stand de chiens-guides d'aveugles s'est installé sous les arbres. Toutes les heures, un Labrador dressé fait une démonstration. L'animatrice de l'association, montée de Marseille, distribue des prospectus invitant les visiteurs à faire des dons déductibles des impôts pour financer l'éducation de nouveaux guides d'handicappés.
Une fois de plus, je me dis que la campagne a changé. Autour des chiots, on ne parle plus chasse, guet, affûts, gardiennage des moutons, mais contraception, vétérinaire, amour des enfants. Le chien rural d'aujourd'hui doit bien garder le pavillon, ne pas mordre les enfants, ne pas faire de petits, ne pas aboyer toute la journée quand on l'enferme à la maison, sinon, il y aura des procès. La civilisation de la banlieue a tellement pollué la campagne qu'on n'y voit plus de chiens de promener, sauf en laisse. S'il engrossait la chienne du voisin ou démolissait une plate-bande? On ne sait jamais, surtout pas d'ennuis. Dans mon compte-rendu pour le journal, j'ai simplement noté que les chiens étaient très chers.
L'embêtant, quand on est assez vieille pour se souvenir de la campagne années 60, est de se dire qu'on n'aimerait pas revenir vieillir ici. Mais alors, où?