L'école des cordistes
Technicien de grande hauteur
Je prends des initiatives. Par un moniteur du club d'escalade, j'ai appris l'existence d'une école très spécialisée. Elle forme des techniciens sachant travailler en grande ou très grande hauteur, encordés comme des alpinistes. Voilà un sujet qui peut intéresser les jeunes à la recherche d'une formation. Sans demander la permission, je sors de mon territoire et j'escalade les montagnes, loin, jusqu'à la ville en question. Si le journal n'est pas intéressé, j'aurai fait deux cent bornes aller-retour pour rien.
Le professeur m'a donné rendez-vous près d'une tour du 16e siècle. Ses stagiaires la retapent pour s'entrainer à gâcher du ciment et poser des joints en altitude. Le temps est magnifique. Une source coule à gros bouillons au pied de la tour. Les stagiaires sont très surpris qu'on s'intéresse à eux. Ils viennent de partout. Un plasturgiste de Nantes a pris la porte avant que sa société ne ferme les siennes. Comme il aime la montagne, il a accepté ce stage de reconversion. Un Guadeloupéen finit sa formation avant de rentrer dans son île. Il travaille pour les compagnies pétrolières. On demande beaucoup de techniciens "de hauteur", sur les plate-formes de forages. Un Savoyard plus âgé est enfin dans son élément. L'usine, il ne supportait plus. Il a saisi sa chance. On demande des techniciens de hauteur dans son pays, pour boucher les fissures des barrages, par exemple, ou tendre des filets contre les chutes de pierre.
Le formateur a commencé spéléologue. L'expérience des cordes et des piolets lui a servi pour se faire embaucher comme ouvrier itinérant sur les chantiers. Il a fait le tour de France. Réparation des grues, construction des ponts, lavage des carreaux ou entretien sur les gratte-ciels. "Le vertige, on ne s'en débarrasse jamais. C'est pour ça qu'il y a des cours de gestion du stress dans la formation". La formation est une formation d'alpiniste, avec, en plus, des notions de travaux publics. Pour exercer cette profession à risques, il faut maintenant des "certificats d'aptitude aux travaux en grande hauteur", sinon, les assurances ne suivent pas. Les épreuves de sélection comporte un test sur le vertige.
A l'heure de la pause, on s'est assis sous les pins. C'était un reportage tout simple, dont je savais qu'il allait être accepté, dans le creux de l'été. Le bonheur d'être localière (en été), c'est ça. Rentrer dans la vie de personnes qui, sans le prétexte du journal, vous n'auriez jamais rencontrées. Et se faire raconter leur vie.